Comment le thème de l’homosexualité est-il traité dans l’Approche centrée sur la personne ? Le thérapeute rogerien a-t-il une manière spéciale d’aborder ses clients homosexuels ? Voici l’un des rares textes (si ce n’est le seul) qui aborde cette question au sein de la littérature de l’Approche centrée sur la personne.

Au sujet de cet article:

  • Source: Knopf, Norton B. (1992). On gay couples. The Person Centered Journal, n°1, vol. 1, oct. 1992.
  • Traduction en 1994 : Clément X. Haudiquet, avec accord de l’auteur.
  • Pour lire l’article en version original (anglais), cliquer ici

Homosexualité dans l'Approche centrée sur la personne

Homosexualité dans l’Approche centrée sur la personne

A PROPOS DES COUPLES GAYS

Norton B. Knopf, Ph.D.

Avant-propos

Carl Rogers ne mentionne quasiment pas l’homosexualité dans son œuvre. Il en fait juste une ou deux mentions très brèves dans son livre “Réinventer le couple”. La raison de ce silence est simple. Norton Knopf, l’auteur de l’article, en conclusion de son texte remarque : “Le fait d’être gay n’avait pas beaucoup d’importance pour Carl Rogers ni d’incidence sur les théories qu’il a développées”.

Pour l’Approche centrée sur la personne, l’orientation sexuelle n’est pas une thématique spécifique; le thérapeute rogerien n’a pas de manière particulière d’aborder un client homosexuel ou se réclamant de n’importe quelle autre orientation ou appartenance (LGBT et QUIA+). 

 

Introduction: quelques mots sur Carl Rogers

Dans deux allusions à l’homosexualité (1951 et 1972) ainsi que dans une déclaration où il semble s’interroger sur les raisons pour lesquelles “l’homosexualité masculine semble plus menaçante à de nombreuses personnes que le contact homosexuel entre femmes” (1972, p. 142), Rogers ne porte aucun jugement sur cette orientation.

Dans sa première allusion, il cite les propos d’un client afin d’illustrer cette expérience du client dans l’exploration de son moi (self), et comment la manière d’être du thérapeute peut faciliter cette exploration:

“Je me rappelle d’une bonne dose de tension émotionnelle lors du second entretien, lorsque j’ai mentionné l’homosexualité pour la première fois. Je me rappelle que je me suis senti attiré au plus profond de moi- même, vers un endroit où je ne voulais pas aller. Je me rappelle encore la voix chaleureuse et acceptante du conseiller, et mon sentiment qu’elle était juste un peu plus acceptante que je ne pouvais l’être par rapport aux peurs que j’exprimais, mais pas trop forcée au point d’être rassurante d’une manière non menaçante” (1951, p.72).

Dans le second cas, une cliente parle d’une relation lesbienne et de son sentiment de jalousie à la pensée que sa compagne avait eu un contact sexuel avec une autre femme. Cependant, le contexte de cet exemple est plus en rapport avec l’impact d’un tiers sur un couple formé qu’avec l’homosexualité elle-même. Rogers dit:

“Mais toute cette “expérimentation” n’est pas sans prix. Les sentiments de perte, de blessure, de jalousie, d’apitoiement, de colère, de désir de vengeance, sont expérimentés encore et encore par ceux qui sont impliqués dans cette expérience.

Qu’importe le degré de modernité de la personne ou son engagement intellectuel; d’une manière ou d’une autre, une personne est blessée chaque fois qu’il y a changement de partenaire, comme Loïs le montre clairement. Et la jalousie ne se rapporte pas nécessairement à un simple comportement sexuel, mais aussi à des choses telles que la perte de proximité…” (1971, pp. 141-142).

Bien que ce ne soit pas l’unique but de ce papier de discuter sur le relatif silence de Rogers à propos du thème de l’homosexualité, j’aimerais établir mes hypothèses:

  1. Rogers n’a pas eu de sentiment ou de compréhension directe de l’expérience homosexuelle, de la même manière qu’il admet (1972, p. 125) avoir peu eu l’occasion d’appréhender la vie communautaire: “Je n’ai jamais vécu dans une communauté, et de ce fait, je manque de cette expérience intime de base qu’il m’est possible de rapporter lorsque j’écris sur ces sujets. Pour compenser cela, j’ai été aidé par deux personnes qui furent mes yeux et mes oreilles”.
  2. Ou bien, Rogers parla peu de l’homosexualité parce que pour lui, la qualité de la relation — qu’elle soit engagée ou occasionnelle — était plus importante que le sexe des deux partenaires concernés. Dans une note de bas de page en 1972, Rogers indique (p. 157) : “L’expérimentation sexuelle dans une communauté est très différente de celle d’un groupe d’échangistes (swingers). A l’évidence, ces derniers essaient d’éviter tout ce qui ressemble à une implication relationnelle profonde ou à ce qui serait plus qu’une relation superficielle“.

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L’auteur:
Norton Knopf est Docteur en psychologie, professeur à l’université de Chicago et psychothérapeute. Il a collaboré avec Carl Rogers.