Résumé
Michel Lobrot présente sa méthode: la non directivité intervenante. Il écrit en introduction de ce texte: “J’ai eu beaucoup de plaisir à écrire cette première partie, ayant eu une sorte d’illumination concernant la position exacte de ma doctrine entre les positions extrêmes en question. Je l’ai rédigé à la suite d’un colloque organisé par les responsables du mouvement rogérien en janvier 2002, dans lequel j’ai perçu avec une extrême clarté ce qui me séparait des rogériens”.

La non directivité intervenante:
une distanciation d’avec Rogers
Avant propos

Ce livre a pour objet de présenter la “non-directivité intervenante“, méthode qui permet de gérer les relations humaines en général et plus particulièrement les relations pédagogiques et psychothérapeutiques. Je l’ai composé en utilisant le texte que j’avais écrit dans les années 90 et qui portait le même nom, texte qui avait été publié aux éditions Retz et avait eu un certain succés (citation du “journal des psychologues”, par ex.). Ce texte malheureusement avait été retiré de la circulation par l’éditeur deux ans après sa parution, pour une raison qui m’était restée longtemps mystérieuse. Quelques années après, j’ai appris que cette décision avait été prise parce qu’une des responsables de cette maison d’édition avait découvert “qu’il y avait du sexe dans ce livre”. En réalité le sexe n’était présent que dans la seconde partie, que j’avais surajoutée après coup, et il n’apparaissait qu’en toile de fond, du fait que l’expérience que je relatais était en partie, mais en partie seulement, de la thérapie sexuelle, où je m’impliquais personnellement, comme je le fais toujours.

J’ai supprimé cette seconde partie de l’édition actuelle, non pour des raisons de pudeur, mais parce qu’elle ne cadrait pas exactement avec les intentions de l’ouvrage. Par contre, j’ai modifié assez considérablement les débuts du texte, dont j’ai fait une partie indépendante, la première partie, appelée “Les bases théoriques”, où j’essaye de situer la non-directivité intervenante entre les positions extrêmes que sont pour moi celle de Freud et celle de Carl Rogers.

J’ai eu beaucoup de plaisir à écrire cette première partie, ayant eu une sorte d’illumination concernant la position exacte de ma doctrine entre les positions extrêmes en question. Je l’ai fait à la suite d’un colloque organisé par les responsables du mouvement rogérien en Janvier 2002, dans lequel j’ai perçu avec une extrëme clarté ce qui me séparait des rogériens.

 

PREMIERE PARTIE : LES BASES THEORIQUES
La révolution non-directive

Quand Joseph Breuer, à la fin de l’année 1881 et durant l’année 1882, tente de soigner celle qu’on appellera par la suite Anna O. et qui s’appelle en réalité Bertha Papenheim, par une méthode toute simple de conversation, que la patiente elle-même appelle “talking cure”, il n’a aucunement conscience du fait qu’il est en train d’inventer la méthode qui va révolutionner les relations humaines au 19ème et au 20ème siècles: la méthode non-directive. S’il essaye cette méthode, c’est en grande partie parce qu’il n’est pas lui -même un aliéniste ou un psychopathologue, qu’il ignore les techniques d’hypnose qui font fureur à Paris et n’appartient pas non plus au courant mesmérien, qui est installé depuis fort longtemps dans les capitales européennes. C’est un neurologue et il a fait des découvertes dans le domaine du système nerveux. Il n’a aucune expérience dans le traitement des hystériques.

Sa tentative, qui n’est en aucune manière une expérimentation, doit être comprise comme une attitude de bon sens, qui utilise le matériel existant. La jeune fille, dans ses nuits sans sommeil ne cesse de marmonner, souvent à partir de mots que lui fournit l’entourage, et elle raconte alors, d’une manière hallucinatoire, ce qu’elle a vécu l’année précédente quand elle soignait son père malade, à savoir des événements extrèmement pénibles, qui, loin d’avoir été “refoulés” dans son inconscient, font l’objet d’une espèce de surconscience. Elle se trouve mieux après ces séances qu’elle nomme elle-même “chimney sweeping”(ramonage). Il suffit à Breuer d’observer ce qui se passe, d’exercer son sens clinique. Il lui suffit de regarder. Il ne fait rien d’autre que ce qu’ont fait les plus grands découvreurs de l’humanité, Torricelli, Galilée, etc, à savoir noter le fait insolite et ensuite l’analyser et le reproduire.

Freud, après son séjour à Paris auprès de Charcot en 1885, reprend la méthode découverte par son vieil ami Breuer quelques dix années avant et en fait la base d’une construction théorique qui va en altérer profondément le sens. Au lieu de constater simplement que cela guérit, a une valeur cathartique, il échafaude toute une construction théorique, à partir de l’idée, tout à fait gratuite, que les productions verbales et mentales que le patient “associe” à ses symptomes révèlent les causes de ceux-ci. Ceci, il faut bien le dire n’a aucune valeur du point de vue heuristique. A. Grünbaum aux Etats-Unis (1984), dès les années 80, et moi ensuite, postérieurement (1996), démontrons qu’on ne peut déduire une causalité d’une simple association.

Embarqué dans cette voie, Freud ne s’arrêtera pas, jusqu’à en arriver à imaginer que la cause, ainsi mise en lumière, est inconsciente, d’où la théorie de l’inconscient, et qu’elle réside dans des expériences sexuelles précoces, d’où la théorie de la sexualité. Je montrerai tout à l’heure le rôle qu’a joué cette dérive spéculative et comment on peut s’en protéger.

Malgré cette dérive, Freud continue à pratiquer la méthode “associative” et même la radicalise dans les années 1905-1907. Mais il lui donne une valeur purement instrumentale. Le client, invité à dire ce qui lui vient à partir de l’évocation d’un événement ou d’un symptôme et soumis à une pression qui frise parfois l’imposition, fournit au thérapeute le matériel que celui-ci utilise pour faire sa “construction”. Celle-ci, qui est pour Freud l’essentiel, consiste dans une interprétation des faits que la patient doit reconnaître et accepter. Elle ne vient pas de lui et est souvent fort loin de son expérience subjective. D’où l’idée, sur laquelle je reviendrai, que Freud n’a pas été jusqu’au bout du mouvement d’autonomisation du client. Celui-ci reste dépendant, aliéné, normalisé.

 

L’attitude traditionnelle

En quoi cette pratique apporte quelque chose de nouveau? Ne parlait-on pas spontanément et librement depuis des siècles? Qu’avait-on besoin de Joseph Breuer pour nous révéler une méthode qu’on connaissait depuis toujours?

Il est vrai qu’on avait toujours parlé et conversé, et même Gabriel Tarde, à la même époque, faisait de la conversation un des moteurs de la vie sociale (1901). Cependant ce principe, considéré comme très utile pour créer des liens sociaux, n’était pas admis pour définir les rapports entre un individu considéré comme un guide, un maître, un guérisseur et celui qui devait recevoir de lui la lumière, le savoir, la conviction, la santé. Là au contraire rêgnait la plus stricte hiérarchie. L’enfant, l’élève, le disciple écoutent le maître, se soumettent à lui, lui obéissent et ils doivent être punis s’ils manifestent de l’indiscipline. Le bon chrétien se soumet à son directeur de conscience. Le malade suit les ordonnances de son médecin.

La révolution que Joseph Breuer initie sans le savoir réside dans un renversement radical des perspectives. Désormais, on va se rendre compte que personne ne peut évoluer sans s’exprimer, c’est à dire sans réactiver ce qu’il a en soi et dont dépend tout mouvement physique ou psychologique. Anna O, en divaguant et même dans un état crépusculaire, met à jour sa subjectivité et celle-ci est la route qu’il faut nécessairement emprunter si l’on veut agir sur elle, aussi peu que ce soit. Freud se trompe, s’il croit qu’il va pouvoir détourner à son profit cette force jaillissante et en faire une chose, un pur outil au service d’une action qui n’appartient qu’à lui et qui sort, comme Athéna, toute armée de son cerveau.

Mais, il n’y a pas que le thérapeute qui doit écouter son client et favoriser sa parole. Cela est vrai aussi dans d’autres domaines, où malheureusement ce principe, bien qu’affirmé, mettra très longtemps avant d’être reconnu. Il faut parler du domaine pédagogique. A la même époque que Freud, de grands pédagogues, comme Maria Montessori, Decroly, Dewey, etc, affirment peu ou prou le principe de la liberté de l’enfant. Celui-ci ne peut créer, croître, apprendre, sans liberté. Il n’est pas un objet sur lequel on imprime le savoir. Le mouvement, si bien commencé, malheureusement avorte, est récupéré par des institutions surpuissantes. Il engendre la “pédagogie active”, “la pédagogie par contrat”, tristes déformations d’une idée radicale.

Et même dans la vie sociale, on commence à entrevoir cela. Nous sommes à l’époque où la liberté de réunion, la liberté de la presse, la liberté d’opinion sont affirmées comme des droits et passent dans les institutions. La vieille idée selon laquelle la parole des gens n’est qu’un vain bavardage sans importance commence à être entamée. Non seulement il faut écouter ce que disent les gens mais il faut favoriser leur parole, sans laquelle ils ne sont rien d’autre que des impuissants et des dépendants.

 

La redécouverte rogérienne

Une découverte aussi importante que celle de Breuer-Freud, même si elle est dénaturée, ne peut rester sans effet. La psychanalyse se répand, dans les années qui suivent la première guerre mondiale, aussi bien en Europe qu’en Amérique.

Dans la première zone, elle excite les besoins spéculatifs de ceux qui l’abordent qui vont y voir surtout une méthode d’interprétation, ce qui donnera d’un côté la tentative de Ricoeur de voir en elle une “herméneutique”, ce que Grünbaum a justement réfuté (1984), et, d’autre part, la glose lacanienne, qui insiste sur l’aspect d’inconscient. En Amérique, par contre, la psychanalyse est considérée sous son aspect le plus vrai et le plus évident, comme une méthode de soin et de guérison.

Dès les années 1930, le jeune Carl Rogers, qui a alors une trentaine d’années, s’occupe d’un centre pour jeunes en difficulté, à Rochester, dans l’Etat de New-York, et travaille en liaison avec l’Université de Colombia. Il y rencontre des psychanalystes avec lesquels il se confronte et découvre à son tour l’idée de non-directivité. Le mot lui-même est de lui. Il l’invente dans les années 40 et l’utilise dès ses premiers ouvrages, durant la seconde guerre mondiale.

Ce qui l’intéresse, dans la non-directivité, c’est la possibilité, donnée au “client”, de s’exprimer. On entre dans une nouvelle perspective, où le point de vue et les opérations de celui qui parle sont enfin pris au sérieux, où on ne se contente pas de fournir de nouvelles armes au thérapeute.

Cependant, la non-directivité est définie par Rogers, dès ces années-là, d’une manière extrémiste, non pas seulement comme une méthode où l’on n’impose rien au client, mais même où l’on n’intervient pas. Il n’y a pas seulement non imposition mais aussi non intervention. Ce n’est pas le point de vue de quelqu’un qui commence une pratique similaire à celle de Rogers quelques dix années avant lui (1930), à savoir Kurt Lewin, jeune chercheur juif, d’origine allemande. Lui accepte l’intervention, l’aide apportée par le chercheur, dans l’expérience qu’il initie avec Lipitt et White, qu’il appelle “l’expérience des climats pédagogiques”. Il parle de “self-direction”, ce qui n’est pas loin de l’idée de non-directivité. Malheureusement, il œuvre dans le domaine pédagogique, avec des pédagogues et psychologues sociaux, qui n’ont pas autant d’influence que les psychothérapeutes à cette époque.

Pourquoi Rogers prend-il d’emblée une position aussi absolue? C’est qu’il a par devers lui toute une théorisation sur laquelle je reviendrai, qui le pousse à prendre une position que je qualifierai de subjectiviste, dans laquelle la prise de conscience et les transactions du sujet avec lui-même sont mises au premier plan, à la limite seules considérées. Il y a aussi l’influence culturelle d’un peuple de pionniers, dans un pays très peu peuplé, où les gens doivent se débrouiller seuls et valorisent les qualités et l’action individuelles. Cela donne par ailleurs cet illuminisme qui fleurit dans les sectes quakers, mormons, baptistes, méthodistes etc, et qui est aussi une survalorisation de la conscience individuelle.

Malgré cette restriction, Carl Rogers fait avancer la pratique non-directive. Paradoxalement, il invente la première forme d’intervention dans un contexte non-directif, à savoir le “miroir”, la reformulation, soutenues par une attitude d’empathie et d'”acceptation inconditionnelle” (Psychothérapie et relation humaine, 1960). Il est vrai qu’il n’y voit pas une intervention, au sens que nous donnons à ce terme dans la NDI, c’est-à-dire au sens d’une influence du thérapeute sur le client. Il s’agit pourtant de cela, comme je le montrerai quand je reconsidérerai ce concept.

 

L’invention de la non directivité intervenante

La non-directivité poursuit sa brillante carrière après la deuxième guerre mondiale. Je la rencontre, dans les années soixante, et d’emblée je suis enthousiasmé. Elle me donne enfin la base pratique et conceptuelle qui manquait dans mon expérience pédagogique, pourtant déjà novatrice. Je la pratique, d’une manière très rigoureuse, comme professeur de psychologie dans un centre de formation pour spécialistes de l’enfance inadaptée près de Paris puis à l’Université de Vincennes, où je suis nommé en 1970.

Et pourtant, je n’y suis pas complètement à l’aise. Sous sa forme rogérienne, avec un thérapeute très distancié; forme qui n’est pas très éloignée de la forme qu’elle prend chez les psychanalystes à la même époque, elle me paraît trop restrictive. L’idée qu’on ne peut faire ni proposition ni analyse ni apport théorique ni exercice corporel me gêne. Je ne vois pas pourquoi on devrait priver le client ou l’élève de ces stimulations et de ces enrichissements, pourquoi on ne pourrait pas les mettre en contact avec le milieu extérieur, qui les nourrit depuis leur enfance. Cela me paraît d’autant plus absurde que je découvre, en 1973, les techniques du “potentiel humain” (Reich, Pearls, Moreno, etc) qui sont porteurs de tant de possibilités.

La difficulté est qu’il faut alors réintroduire l’intervention qui a mauvaise presse a une époque très “parano” où toute influence d’autrui est considérée comme un abus et une manipulation. Mais qu’à cela ne tienne! J’ai l’intuition qu’il existe une solution au problème et cette solution, je la découvre, quand je m’avise du fait qu’une intervention est forcément non directive si elle est faite à partir d’un désir, d’une demande, d’une attente de celui ou ceux dont on s’occupe. La non directivité ne consiste plus alors à se tenir “à côté”, en observateur ou facilitateur, mais à rentrer avec l’autre dans un rapport de collaboration, où on essaye, à deux, de réaliser l’objectif fixé par celui-ci.

Je venais ainsi de découvrir les deux principes de base qui seront ceux de la non directivité intervenante. Le premier est celui de l'”écoute du désir”. Non seulement on écoute la parole du client, comme chez les rogériens, mais on écoute encore plus son désir ou ses désirs. Ceux-ci vont devenir la base du travail qu’on va faire ensemble. Le second principe concerne ce travail même, qui consiste dans une coopération étroite et impliquée dans laquelle l’intervenant et son partenaire ne jouent pas les mêmes rôles. Le premier propose, suggère, donne des idées, d’une part, et d’autre part, accompagne en interrogeant, analysant, approuvant, renforçant. Le second s’engage dans un travail personnel qui le touche à différents niveaux de lui-même, aidé par le premier. Ce sont les pratiques que j’analyserai dans la deuxième partie de ce livre.

C’est la méthode que j’utilise depuis maintenant trente ans et qui me donne de grandes satisfactions. Je la sens plus adaptée, plus riche, plus productive que toutes celles que j’utilisais auparavant.

 

Le cadre théorique

Le cadre théorique de ces différentes pratiques a une grande importance, car il ne procède pas, en général, d’une vision critique et argumentée de la psychologie humaine, mais d’un désir de justifier a posteriori les options pratiques par des conceptions de caractère général. Il freine donc considérablement les possibilités d’évolution et c’est pourquoi il faut s’intéresser à lui.

Je vois la non-directivité intervenante comme une troisième voie, entre deux positions extrêmes, à savoir le freudisme, d’un côté, et le rogérisme, de l’autre, profondément opposés. Le premier, le freudisme, est polarisé sur l’externe, l’autorité de l’interprétateur, qui réintroduit la société imposant ses règles et ses lois, la société extérieure et contraire à l’individu, que la non- directivité avait réussi à conjurer, au profit du sujet. Le rogérisme, quant à lui fait le mouvement inverse. Il est polarisé sur l’interne, les mouvements subjectifs de la personne, sa conscience et ce que Rogers appelle sa congruence, notion fondamentale pour lui, qui est le rapport entre sa conscience et son expérience vécue. Le milieu, le monde, les autres n’apparaissent qu’à travers ce filtre et comme des acteurs sur la scène intérieure. La communication ne joue qu’un rôle mineur, pour favoriser l’expression de soi-même par le moyen de la “considération positive”. La “tendance actualisante” suffit en gros pour assurer l’évolution individuelle. Revenons sur ces deux pôles, freudien et rogérien, pour tester la pertinence d’une position qui les dépasse et qui prétend faire le lien entre les deux.

La position freudienne a pris la forme bien connue, mais rarement vraiment comprise, de la doctrine de l’Inconscient. Par ce mot qui évoque une réalité que tout le monde vit, on entend généralement un phénomène psychique réel et expérimenté, qui n’est pas accompagné d’une connaissance suffisante permettant de le comprendre et de le saisir.

La non perception peut porter sur différents aspects.
1- Elle peut concerner son origine et son élaboration, comme cela se passe avec les rêves et les souvenirs spontanés. Nous ne savons pas d’où ils viennent, pourquoi ils apparaissent. Pourtant, il existe une certaine conscience, limitée, que j’appelle”immanente” du phénomène, qui consiste dans un vécu émotionnel.
2- Elle peut concerner son déroulement, au moment où il est effectué, comme il se passe avec les opérations accomplies automatiquement, sensorielles ou motrices, dont les éléments ne sont simplement pas perçus (quand je marche, parle, travaille, etc) La conscience”immanente”est ici d’ordre proprioceptif.
3 – Elle peut concerner le souvenir qu’on en a, comme cela se passe avec les pulsions, impulsions et compulsions dont la genèse dans le passé, au moment de l’expérience émotionnelle fondatrice, est oubliée, bien qu’elle ait été vécue par nous. La “conscience immanente” est la perception même de l’action désirante.

Dans tous ces cas, l’acte inconscient est un acte automatique, un acte qui échappe à toute intentionnalité et volonté, étant bien souvent le support et le point de départ dont celles-ci procèdent. L’acte intentionnel, par contre, ne peut pas être inconscient, car il est, dans notre expérience, entièrement conscient, tant du point de vue de son élaboration, que de son déroulement, que de son souvenir. On le prépare dans le projet, on le dirige en le contrôlant, on l’évalue une fois accompli, de manière à vérifier s’il a bien atteint son but. Comme le montrent les nombreuses études faites sur lui dans la psychologie contemporaine, il intégre le phénomène de conscience dans les tréfonds de lui-même. Vouloir aller au travail, c’est à la fois savoir qu’il faut aller travailler, constater qu’on va effectivement au travail et reconnaître le travail qu’on a accompli. Dans notre expérience, toutes ces choses sont liées indissolublement. L’Inconscient de Freud n’est rien d’autre qu’une intentionnalité inconsciente, ou encore un acte volontaire dont nous n’aurions pas conscience.

Freud imagine une opération de “refoulement”, impossible dans la réalité, car elle élimine non pas l’acte, ce qui est concevable, mais le désir, la pulsion, l’idée, ce qui est inconcevable. Nous n’avons pas ce pouvoir. Nous ne pouvons rien faire d’autre que d’attendre la disparition de l’affect, par substitution d’objet. Comme le dit Bussy Rabutin dans la vie amoureuse des Gaules : ” L’amour est quelque chose de bien subtile et ingénieux (…) Ceux mêmes qui résistent et mettent des obstacles à ses efforts sont ceux d’ordinaire qui les ressentent plus violemment.”

Si, d’après Freud, le désir, la pulsion, l’idée peuvent être “refoulés”, alors commence, selon lui, un processus de déformation, masquage, distorsion, de nature inconsciente, ayant pour but de cacher, aux yeux du sujet qui l’effectue, le caractère interdit et impossible de cet acte. La “formation de compromis” qui en résulte a l’air d’être un acte avec une certaine motivation (“contenu manifeste”), mais c’est en réalité un acte ayant des buts obscurs et inavouables, généralement sexuels (“contenu latent”). Tout ceci ressemble fort à l’élaboration d’un projet intentionnel, qui vise la réalisation, par des moyens divers, d’un objectif préalablement fixé, et met en œuvre, pour cela, la connaissance de la situation présente, qui ne peut être prévue, puisqu’elle est contingente. Où Freud a-t-il eu l’idée d’une telle opération, sinon dans son expérience consciente? (…)

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En savoir plus sur la non directivité:
Eloge et limites de la non directivité, par Xavier Haudiquet (article)
La non directivité par Wikipédia

L’auteur:
Michel Lobrot est un psychopédagogue et universitaire français. Pour en savoir plus sur l’auteur