John Shlien (1918-2002) a été étudiant de Carl Rogers, l’un de ses proches collaborateurs et ami. Il a travaillé à l’Université de Chicago à partir de la fin des années 1940, puis il a rejoint l’Université de Harvard en 1967 en tant que Professor of Education and Counseling Psychotherapy, avant de prendre sa retraite en Californie. Il a publié de nombreux articles, dont quelques-uns ont été traduits en français:

  • L’empathie en psychothérapie : mécanisme vital ou prétention du thérapeute ?
  • Créativité et santé psychologique.
  • Secrets et psychologie de la secrétude.
John Shlien

UNE CONTRE-THEORIE DU TRANSFERT

Le “transfert” est une fiction, inventée et maintenue par le thérapeute pour se protéger des conséquences de son propre comportement. Voici une affirmation qui doit paraître à beaucoup une exagération, une accusation, voire un outrage. Nous l’énonçons cependant comme une hypothèse sérieuse et nous invitons notre très honorable profession à réexaminer ce concept fondamental à la lumière de la pratique.

 

INTRODUCTION

Considérer le transfert comme un mécanisme de défense n’est pas tout à fait nouveau. Les protagonistes du transfert, eux-mêmes, en font un mécanisme de défense quand ils en parlent en terme de “projection”; pour eux, toutefois, la défense réside chez le client. En ce  qui me concerne, il s’agit d’un autre type de défense: refus ou distorsion, elle est du côté de l’analyste.

Cette position qui est la mienne n’a pas de statut officiel au sein de la Thérapie centrée sur le client. Rien de tel n’existe, d’ailleurs. Carl Rogers s’est contenté de traiter le sujet très succinctement en quelque 20 pages, ce qui constitue un abord plutôt limité quand il s’agit d’une matière qui a rempli des volumes de littérature savante. “Dans la thérapie centrée sur le client, ce type de relation de dépendance prégnante et persistante n’a pas tendance à se développer” (Rogers, 1951), bien que de telles attitudes transférentielles existent effectivement dans nombre de cas traités par des thérapeutes centrés sur le client. Disons que le transfert n’est pas particulièrement cultivé dans le contexte de “l’ici et maintenant”, où l’exploration intensive de la prime enfance ne s’impose pas et où le thérapeute est visible et prêt à accueillir la réalité. Bien que Rogers connaisse la position que je défends ici et qu’il fut, je crois, influencé par elle depuis sa première présentation en 1963, il n’a jamais traité la notion de transfert comme un sujet de polémique. Et ceci, en partie, à cause de son peu d’inclination pour le débat sur ces thèses controversées. Il préfère se consacrer à son propre travail constructif en laissant le soin aux expériences à venir de réunir des preuves confirmant ou infirmant ces thèses.

Alors pourquoi la Thérapie centrée sur le client devrait-elle prendre position face à un problème qui à joué un rôle si minime dans son propre développement? La raison en est que le concept du transfert est incontournable, parce que omniprésent. Il exerce une emprise puissante aussi bien sur l’esprit des professionnels que sur celui des profanes. La pratique de la thérapie centrée sur le client véhicule communément l’image d’un thérapeute relativement effacé. Cependant, comme elle exige que les conditions et les processus qu’elle met en oeuvre soient le fait d’un haut niveau d’autodiscipline et de responsabilité de la part du thérapeute, il est inévitable que se produise ce genre de tension émotionnelle et relationnelle si souvent désignée sous le terme de transfert.

Notre affirmation au début de ce chapitre contient, en fait, plusieurs questions distinctes. De quel comportement s’agit-il ? Entraînant quelles conséquences ? Pourquoi avoir inventé un tel concept ? Comment offre-t-il une protection au  thérapeute ? En réexaminant le concept de transfert, comment, pour parler comme Freud, “remonter jusqu’aux sources” ? Et si cette recherche aboutissait à une conclusion contradictoire, sur la base de quelle preuve et suivant quelle motivation serions-nous conduits à un autre niveau de réflexion ?

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L’auteur:

John M. SHLIEN

John Shlien (1918-2002) a été étudiant de Carl Rogers, l’un de ses proches collaborateurs et ami. Il a travaillé à l’Université de Chicago à partir de la fin des années 1940, puis rejoint l’Université de Harvard en 1967 en tant que Professor of Education and Counseling Psychotherapy, avant de prendre sa retraite en Californie. Il a publié de nombreux articles et des chapitres sur une grande variété de sujets en psychologie, en conseil et en psychothérapie.