La loi sur les violences éducatives ordinaires : retour sur les grandes étapes

Il aura fallu trente ans pour que la France, après plusieurs rappels de l’ONU, se mette en accord avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en adoptant une législation interdisant les violences éducatives ordinaires. Ce fut la loi de 2019. Retour sur les dates clés de l’évolution des mentalités au sujet de la violence ordinaire dans l’éducation des enfants.

Pour citer cet article :
ACP-France (2025).
La loi sur les violences éducatives ordinaires; un long processus. Dans: Bibliothèque numérique d’ACP-France. www.acpfrance.fr

 

 

L’interdiction des violences éducatives ordinaires : un long processus

Elaboration : Clément Haudiquet
(décembre 2025)

Définition de la violence éducative ordinaire

La violence éducative ordinaire, c’est tout simplement la violence infligée à un enfant ou un adolescent sous prétexte de l’éduquer ; cela comprend les coups et les atteintes à l’intégrité corporelle (fessées, gifles, claques, coups de bâton, coups de ceinture…), mais aussi les paroles humiliantes. On la nomme “ordinaire”, parce qu’elle existe depuis la nuit des temps, traverse les époques et les cultures, et qu’elle est justifiée par des principes éducatifs, au nom du bien de l’enfant (« Qui aime bien châtie bien »).

Les grandes étapes

1803 : les châtiments corporels sont interdits en France dans les écoles.

1887 : La IIIe République réaffirme l’interdiction des châtiments corporels dans les petites écoles de la République.

1979 : La Suède est le premier pays européen à engager le combat contre la violence éducative ordinaire. Pionnière en la matière, elle vote une loi qui interdit les châtiments corporels. D’autres pays nordiques suivent l’exemple, comme la Finlande (1983), la Norvège (1987), puis en 1990 l’Autriche, Chypre, le Danemark, la Lettonie et la Croatie. Il faudra encore attendre une dizaine d’années pour que ce mouvement s’étende à d’autres pays, à partir des années 2000 : Allemagne, Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Grèce, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Luxembourg, Pologne, Espagne, Portugal, Irlande ; et ailleurs dans le monde : Argentine, Brésil, Nouvelle-Zélande.

1986 : Bien tardivement, la Grande Bretagne s’empare du sujet. Ce n’est que cette année-là que les châtiments corporels sont interdits dans les écoles et collèges britanniques (« sans le consentement des parents »).

1989 : Après une dizaine d’années de discussions, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant est adoptée par l’ONU. Ce premier traité international énonçant les droits aux enfants est ratifié par 196 pays (les Etats-Unis n’en font pas partie).

1990 : La France ratifie la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, ce qui l’oblige à légiférer. Il faudra cependant attendre 2019 pour que la France se plie à cette exigence. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies devra lui rappeler à plusieurs reprises de mettre en pratique l’article 19 de la Convention qui stipule : « Le Comité réitère sa demande sa recommandation aux États signataires d’interdire explicitement les châtiments corporels dans tous les domaines, y compris la famille, les écoles et les lieux de garde et de soins alternatifs »et rappelle« qu’aucune violence faite aux enfants n’est justifiable. »

1991 : Une circulaire de l’Éducation Nationale interdit formellement les violences éducatives dans les écoles.

2019 : Le parlement français adopte enfin une loi qui interdit les violences éducatives ordinaires dans les familles. C’est la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 qui stipule : « L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques. »

Commentaire

Même si cette loi a été nommé « la loi anti-fessée », certains ont regretté sa formulation lapidaire. En effet, la loi ne définit pas la violence éducative ordinaire ni n’explicite en quoi elle consiste.

Or, les habitudes sont tellement ancrées dans la société que les punitions corporelles ne sont pas toujours considérées comme de la violence par parents. Et bien souvent, les termes de « violences physiques » restent sujet à la libre appréciation de l’expérience de vie, la culture d’origine et le niveau d’information des adultes concernés. C’est d’autant plus dommage que la proposition de loi initiale était plus précise dans sa rédaction :

 

« Les enfants ont droit à une éducation sans violence. Les titulaires de l’autorité parentale ne peuvent user de moyens d’humiliation tels que la violence physique et verbale, les punitions ou châtiments corporels, les souffrances morales.»

Toutefois, les juristes et la jurisprudence considèrent que cette loi consacre de manière formelle la disparition du « droit de correction » des parents ; et qu’elle implique l’interdiction des fessées, des gifles, des claques, des pincements et de toute autre forme de sévices corporelle sur les enfants au nom de l’éducation.

Pour aller plus loin:

  • Lire: L’histoire de la violence éducative, de l’Antiquité à nos jours. Sur le site de l’OVEO. Cliquer ici.
  • Lire: Haudiquet, C. (A paraître). De la violence éducative ordinaire à la violence dans le monde. Le Trait d’Union. Cliquer ici.
  • Lire: Miller, A. (2014). Pourquoi interdire les punitions corporelles et les autres violences éducatives au sein de la famille est une priorité humaine et de santé publique ? Cliquer ici.
  • Visiter le site de l’Observatoire de la Violence Educative Ordinaire (OVEO): une mine d’articles passionnants sur l’impact de la violence éducative ordinaire sur le développement de la personne (Alice Miller, Olivier Morel, Muriel Salmona…). Cliquer ici.
  • Lire la Convention Internationale des Droits de l’Enfant votée par l’ONU en 1989. Cliquer ici.
  • Lire le texte de la loi française de 2019. Cliquer ici.
  • La différence avec la maltraitance contre les enfants. Guide de la maltraitance à télécharger en cliquant ici.