Voici le chapitre V de l’ouvrage collectif “Psychologie existentielle”. Ce chapitre 5, rédigé par Carl Rogers, est intitulé: “Deux tendances différentes en psychologie et en psychothérapie”. Rogers compare les deux grands courants de la thérapie: l’un qui se veut objectif et prétendument scientifique; l’autre est une vision subjective de la thérapie, c’est le courant existentiel ou humaniste. Il montre que ces deux modèles correspondent, en fait, à deux types de science.

 

Pour citer ce chapitre:
Allport, Feifel, Maslow, May, Rogers (1986): Psychologie existentielle. Ed. EPI. Chapitre 5.

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Psychologie exitentielle-Couverture

Carl Rogers

J’ai été amené, au cours du congrès où j’ai présenté cette étude pour la première fois, à distinguer deux tendances différentes. L’une comportait une théorie générale de psychothérapie fondée sur la théorie de l’apprentissage, l’autre développait le point de vue existentiel en psychologie et en psychothérapie, tel qu’il apparaît ici dans les premiers chapitres de ce livre. Ces deux points de vue représentent d’une façon intéressante deux forts courants de la psychologie américaine actuelle, courants qui semblent inconciliables pour le moment, car nous n’avons pas pu encore élargir suffisamment notre cadre de références et les y renfermer tous deux. Puisque je m’intéresse avant tout à la psychothérapie, je me limiterai ici à discuter ces tendances dans ce domaine.

La tendance “objective “

D’un côté notre attachement, en psychologie, à une pratique rigoureuse, aux théories réductionnistes, à des définitions opérationnelles, et à des méthodes expérimentales nous a amené à comprendre la psychothérapie en termes purement objectifs plutôt qu’en termes subjectifs. Ainsi nous concevons la thérapie comme étant simplement le conditionnement opérant du malade.

Le thérapeute renforce par des mesures, simples et appropriées, les déclarations du malade exprimant des sentiments, ou racontant le contenu d’un rêve, manifestant un sentiment d’hostilité ou révélant un concept du moi bien affirmé. L’expérience a prouvé de façon évidente que cette insistance contribue à augmenter encore la force des éléments ainsi manifestés.

Dans cette optique, le chemin de la thérapie consiste à choisir avec perspicacité les éléments à renforcer et à établir clairement le comportement que nous voulons faire adopter aux malades. Le problème ressemble, dans son genre, à l’entraînement que Skinner fit subir à des pigeons pour leur apprendre à jouer au ping-pong.

Une autre forme de cette tendance générale est celle qui est connue en psychothérapie¹ sous le nom de théorie de l’apprentissage et qui se présente sous différents aspects. Les rapports S-R (stimulus-réponse) créateurs d’angoisse ou à l’origine de difficultés d’adaptation, sont identifiés puis étiquetés, leurs causes et leurs effets sont expliqués et commentés au malade. On procède alors au reconditionnement ou au contre-conditionnement afin que l’individu puisse acquérir une réponse nouvelle, plus saine et plus utile socialement, au stimulus qui fut à l’origine de ses difficultés.

Ce mouvement, dans son ensemble, s’appuie sur les tendances actuellement en vogue chez les psychologues américains, tendances qui se manifestent dans des phrases telles que : “Eloignons-nous du philosophique et du vague”- “En avant vers le concret, vers ce qui est expérimentalement défini, vers le spécifique” – “Eloignons-nous de tout ce qui se tourne vers l’extérieur.”

Nos comportements et nos personnalités ne sont rien d’autres que des objets moulés et formés par des circonstances qui nous conditionnent. L’avenir est déterminé par le passé : “Du moment que personne n’est libre, il serait préférable de manipuler la conduite des autres de façon intelligente pour le bien général. (Mais personne n’a jamais expliqué, comment des individus non libres peuvent choisir ce qu’ils veulent faire et décider de manipuler d’autres individus.) “Pour agir, il faut agir, c’est évident.” – « Pour comprendre, il faut chercher à comprendre de l’extérieur.”

L’approche ” existentielle”

Bien que cette approche soit logique et simple, bien qu’elle soit adaptée à la nature de notre culture, elle n’est pas la seule à se manifester. En Europe, où l’on est moins engagé dans le “scientisme”, et de plus en plus aux Etats-Unis, d’autre voix proclament : “Cette vision étroite du comportement n’est pas adaptée à tout l’ensemble des phénomènes humains.” L’une de ces voix est celle d’Abraham Maslow, une autre celle de Rollo May, une autre celle de Gordon Allport. Et leur nombre va croissant. J’aimerais, si possible, me ranger dans ce groupe.

Ces psychologues insistent de façons diverses sur le fait qu’ils s’intéressent à toute la gamme du comportement humain et que le comportement humain est, de façon significative, quelque chose de plus que le comportement des animaux dans un laboratoire. Pour illustrer cela par des exemples empruntés à la psychothérapie, j’aimerais en citer rapidement quelques-uns qui sont empruntés à ma propre pratique…

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L’auteur
Carl Rogers est un psychologue nord-américain (1902-1987). Fondateur de l’Approche centrée sur la personne.
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