Comment mettre en oeuvre la considération positive inconditionnelle dans la relation thérapeutique ou d’écoute ?  On sait qu’il s’agit d’une des trois conditions mentionnée par Carl Rogers pour créer un climat favorable à la croissance, aux côtés notamment de l’empathie et de la congruence. Cependant, mettre en pratique le regard positif dépend en grande partie des sentiments que le thérapeute éprouve pour son client, de ses jugements, de ses irritations, de ses projections. Alors, comment un psychothérapeute peut-il adopter cette attitude de considération positive inconditionnelle vis-à-vis de son client et la maintenir au fil de la relation ?

Considération positive inconditionnelle

LA CONSIDÉRATION POSITIVE INCONDITIONNELLE :
COMMENT LA METTRE EN OEUVRE ?


Clément-Xavier HAUDIQUET


Pour toute mention de cet article, merci de mentionner la référence suivante :
Haudiquet, X. (2013). Le regard positif inconditionnel : comment y parvenir ? Revue Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche, N°17, juin 2013, pp. 65-78. https://doi.org/10.3917/acp.017.0065

Une version a été publiée en espagnol sous le titre : La consideración positiva incondicional : ¿Cómo ponerla en práctica, in Revista Figura-Fondo  nº 31, 2012, ed. IHPG, Mexico.

 

Introduction

Parmi les trois conditions facilitatrices du développement de la personne (1) que mentionne Carl Rogers (1968, p. 48-49 et 201-205 ; 1979, p. 8-9 ; 1987, p. 61-62 ; 2001, p. 257-261), celle concernant le regard positif inconditionnel est sans doute celle dont on parle le moins. L’empathie et la congruence ont fait l’objet de nombreuses discussions, et quelques auteurs ont même créé des manuels pour expliquer comment mettre en pratique ces attitudes dans la relation psychothérapeutique (2). Mais le regard positif inconditionnel est rarement évoqué, comme s’il allait de soi ou qu’il s’agissait d’une condition évidente à mettre en œuvre.

Pourtant, cela n’a rien de naturel d’avoir spontanément un regard inconditionnellement positif sur quelqu’un. La question posée par Ruth Sanford reste ouverte : «Peut-on avoir un regard positif inconditionnel pour tout le monde ? ». En effet, le jugement ou l’évaluation sont bien souvent présents dans les relations humaines. Alors, comment un psychothérapeute ou un accompagnant peut-il éprouver de la considération positive, et qui plus est inconditionnelle, vis-à-vis de ses clients ?

Rappelons tout d’abord ce que Rogers entend par regard positif inconditionnel (unconditional positive regard) (3). Selon ses termes, il s’agit « d’une attitude chaleureuse, positive et réceptive envers ce qui est dans son client (…). Cela veut dire que le thérapeute se soucie de son client, mais pas de façon possessive, qu’il l’apprécie dans sa totalité plutôt que de façon conditionnelle » (1968, p. 48-49). Rogers parle aussi « d’acceptation », entendant par là une acceptation tout autant des sentiments négatifs que des sentiments positifs du client (1968, p. 204). Cette définition restera inchangée au cours des années et l’on retrouve en 1986 des termes similaires. Il écrit : « La seconde condition à l’avènement d’un climat favorable au changement, c’est la disponibilité, l’ouverture, l’affection, la valorisation. » Et Rogers d’ajouter, afin de préciser l’importance de ce regard inconditionnellement positif: « Quand, à l’égard de son client, le thérapeute est authentiquement positif, qu’il ne juge pas mais qu’il accepte, alors la probabilité s’accroît d’un progrès thérapeutique. (…) Quand le thérapeute valorise son client, totalement, inconditionnellement, alors on peut conjecturer quelque progrès » (2001, p. 167).

Évident, le regard positif inconditionnel ?

Le regard positif est une absence totale d’évaluation de l’autre, une acceptation de la personne telle qu’elle est. Que cela signifie-t-il concrètement ?

Pour certains, cela signifie une considération positive vis-à-vis de l’essence de la personne, au-delà de son masque ou de l’image qu’elle projette. Il s’agit alors d’une considération positive due au simple fait que cette personne appartient au genre humain, avec toutes ses qualités et ses défauts, avec sa grandeur et sa misère. D’autres mettent l’accent sur le fait que l’acceptation ne porte pas sur les actes, mais sur la personne elle-même, considérant que celle-ci fait toujours de son mieux compte tenu de son histoire et de sa circonstance. Elle fait le mieux possible.

Pour ma part, je préfère voir autrui en termes de processus, c’est à dire comme un être changeant et capable de transformation. Car alors le regard ne s’attarde pas sur la conduite réprouvable, mais se tourne vers la personne en devenir, vers les sentiments qui accompagnent la « confession », peut-être du remord, de la culpabilité, de la honte, de la souffrance certainement, et sans aucun doute de l’honnêteté et du courage (qui a vécu un processus psychothérapeutique sait combien le courage est nécessaire pour découvrir ses zones d’ombre et remettre en cause l’image de soi).

Cela nous conduit à mentionner l’importance du principe de l’ici et maintenant car l’ouverture à l’autre qu’implique le regard positif inconditionnel ne peut se faire que dans le moment présent, dans l’instant de la relation ; l’acceptation se situe dans un temps particulier et unique, celui de la rencontre entre accompagnant et client, c’est à dire un moment de totale subjectivité qui nous renvoie à la notion de temps kairos (4). Rogers le mentionne ainsi : « Accepter, cela signifie s’ouvrir à tout ce que peut ressentir son client sur le moment. » (2001, p. 167, italiques par l’auteur). Par exemple, dans l’intimité de la consultation, il est probable que je puisse avoir de la considération positive pour un pédophile si celui-ci me parle de son remord ou de sa propre enfance marquée par les abus sexuels. Alors que si je suis spectateur de cette même scène dans un film ou en lisant la presse, il est vraisemblable que je m’allierai avec la victime et que je condamnerai violemment la conduite de l’abuseur. En réalité, si je me réfère à mon expérience personnelle, ce n’est pas ce genre d’information qui met à mal mon regard positif inconditionnel. C’est de manière plus subtile et indirecte qu’est bousculée ma considération positive, notamment lorsque le cadre de valeur du client, les croyances implicites qui entourent son message viennent heurter mes propres convictions, comme par exemple lorsqu’un client soutient, en arrière plan de sa communication, un discours homophobe ou raciste. En fait, si un client me raconte, avec une certaine honte ou du remord, qu’il bat sa femme, je peux maintenir mon regard positif. Par contre, si cet homme me raconte qu’il bat sa femme et qu’il assume implicitement que cela est normal car elle se ne comporte pas correctement et rentre trop tard le soir par exemple, son cadre de référence machiste vient heurter mes valeurs ce qui met en péril le maintien de ma considération positive (5).

L’autre terme qui reste à définir est celui de l’inconditionnalité. Ce concept, écrit Rogers, « traduit une acceptation sans préalables, sans arrière-pensées telles que « je ne vous aime que si vous êtes comme ci ou comme ça » (…). C’est l’antithèse d’une attitude d’évaluation sélective (…). Il implique que les sentiments négatifs du client – le « mal », la douleur, le repli sur soi, l’anormalité – soient acceptés au même titre que ses sentiments positifs – le « bien », la maturité, la confiance, le sens social -, que ses contradictions internes le soient au même titre que ses témoignages d’équilibre » (Rogers 2001, p. 259). Selon moi, ce que Rogers indique dans ce passage, c’est qu’il ne s’agit pas d’accepter certains contenus et d’en rejeter d’autres, mais au contraire d’accueillir tous les sentiments du client avec équanimité, c’est à dire sans hiérarchie particulière entre le négatif et le positif.

Puis, dans ce même paragraphe, Rogers ajoute un autre élément en indiquant que pour le thérapeute, cela « implique envers le client, personne à part entière libre de ses sentiments et de son vécu, une affection empreinte de chaleur, sans possessivité ni égoïsme » (Rogers 2001, p. 259). Ici, Rogers nous invite non seulement à respecter le vécu du client sous toutes ses formes, mais également à éprouver pour lui une considération positive qui ne soit pas entachée par les désirs ou les besoins personnels de l’aidant.

En ce sens, l’inconditionnalité nous renvoie à la temporalité de la relation thérapeutique (temps chronos) puisqu’il signifie que l’acceptation, loin d’être conditionnée par telle ou telle conduite, doit se maintenir sans condition au fil de la relation. On ne pourra donc juger de l’inconditionnalité que sur la durée du processus. Par exemple, que devient le regard positif inconditionnel lorsqu’un client, après avoir fait de grandes avancées qui donnent bien sûr de la satisfaction au thérapeute, retombe dans ses schémas anciens et met par conséquent « en échec » les efforts de l’aidant ? Pour ma part, c’est surtout dans les psychothérapies de couple, qu’il m’est le plus difficile de maintenir un regard positif inconditionnel vis-à-vis des deux consultants à la fois. La tendance est forte de s’allier avec le conjoint le plus ouvert, celui qui est le plus proche de ses sentiments, celui qui fait avancer le processus. Mais je courre alors le risque d’envoyer à l’autre partenaire un message implicite d’appréciation conditionnel : « votre position défensive m’embête car elle empêche l’évolution de votre relation de couple et menace les progrès de la thérapie», « je ne pourrais vous apprécier que si vous vous ouvrez », « si vous vous maintenez dans cette position rigide, nous n’avancerons pas », etc.

Heureusement, Rogers avait pris soin de nous mettre en garde :

« Il n’est pas possible d’éprouver à tout instant une telle sollicitude inconditionnelle. Un thérapeute authentique éprouve des sentiments très différents, des sentiments négatifs vis-à-vis du client. Il ne faut donc pas considérer comme une ‘’obligation’’ que le thérapeute ait une considération positive inconditionnelle pour le client. On constate simplement ceci : si cet élément n’intervient pas suffisamment souvent dans la relation, il y a moins de chance que se produise un changement positif chez le client » (1979, p. 9).

Et il indique ailleurs :

« La description qu’on vient de donner suffit sans doute à faire comprendre qu’un regard totalement et inconditionnellement positif ne peut exister que sur le papier. Du point de vue de la psychologie clinique ou expérimentale, c’est sûrement l’affirmation suivante qui est la plus proche de la vérité : au cours de leur relation, le thérapeute efficace porte sur son client le plus souvent un regard inconditionnellement positif, parfois un regard conditionnellement positif, voire par moments, un regard négatif – encore que ce dernier cas soit sans doute exceptionnel si la thérapie doit être couronnée de succès » (Rogers 2001, p. 259, note 1).

L’interférence des sentiments

Comme on le voit, cette condition du regard positif inconditionnel n’est pas chose aisée. Comment, concrètement, mettre en pratique le regard positif inconditionnel ? Car il faut bien que l’aidant exprime cette attitude à travers une conduite observable, puisqu’on le sait bien, ce qui compte dans les trois conditions de base, c’est que le client les éprouve. « Le client doit percevoir, de façon au moins embryonnaire, la compréhension empathique et la considération positive inconditionnelle que lui porte le thérapeute dans leur relation », dit Rogers (2001, p. 261). Et ailleurs, on lit : « Il n’est pas suffisant que ces conditions existent chez le thérapeute. Elles doivent, à quelque degré, avoir été communiquées avec succès au client » (Rogers 1968, p. 205).

Or, comment communiquer au client ma considération positive à son égard ? Il me vient en mémoire un jeune client, étudiant en psychologie, extrêmement violent et irascible dans son comportement quotidien, d’une grande intolérance à la moindre frustration. Il avait une image de lui même tellement négative qu’il ne pouvait pas me croire le jour où je lui exprimé l’estime que j’avais pour lui. Ce thème est alors devenu d’une certaine manière le fil conducteur du processus de thérapie, comme une référence implicite que nous avions tous les deux en mémoire, et il a fallu encore deux ans de processus pour qu’il puisse recevoir sans gène ni honte, et sans le minimiser, le fait que je l’appréciais, ce qui a d’ailleurs donné le signal de la fin de la psychothérapie. Cela signifiait en effet qu’il pouvait enfin capter l’estime sincère et réelle que j’avais pour lui, sans doute parce que l’image négative qu’il avait de lui-même au début de la thérapie et qui l’empêchait de recevoir de l’amour avait été remplacé progressivement par un concept de lui-même plus positif, et qu’il pouvait enfin se voir comme une personne digne d’être appréciée. Mais il aura fallu plus de trois ans pour qu’il puisse reconnaître la considération positive inconditionnelle du thérapeute.

On le sait, Rogers a toujours pris soin d’éviter la technicisation de son approche et il a toujours insisté sur l’aspect attitudinal de la thérapie centrée sur le client. Mais du coup, il ne donne guère d’indication pratique quant à la mise en œuvre des trois attitudes de base que sont l’empathie, la congruence et la considération positive inconditionnelle. Et bien souvent, les étudiants en formation à l’Approche centrée sur la personne posent la question.

Pour ma part, je vois une certaine différence de statut, entre d’une part la congruence et l’empathie, et d’autre part le regard positif. En effet, la congruence et l’empathie sont des attitudes que l’on peut développer grâce à un entraînement ou un travail de psychothérapie personnelle. Comme l’a noté Rogers, l’empathie est sans doute l’élément de la relation qui s’améliore le plus facilement par une formation, même rapide : « Les thérapeutes peuvent apprendre très vite à mieux écouter en étant plus réceptifs, plus empathiques. C’est en partie une technique en même temps qu’une attitude » (1979, p. 9, italiques par l’auteur). De fait, pour mettre en oeuvre l’empathie dans la relation, nous disposons d’une méthode, l’observation phénoménologique (6), et nous disposons même de quelques outils comme la reformulation ou le reflet des sentiments, même si ces procédés doivent être considérés comme des moyens de mise en œuvre de l’empathie et non pas comme des techniques. En ce qui concerne la congruence, le travail sur soi est extrêmement utile puisque, plus je développe la conscience de moi-même, plus je suis congruent. Or, dans la situation thérapeutique, une grande partie de la tâche du psychothérapeute consiste à porter un regard introspectif sur lui-même, à être attentif à ses émotions, ses sentiments et ses pensées, en un mot à symboliser son expérience afin d’être le plus congruent possible.

La considération positive inconditionnelle est plus délicate car le maintien de celle-ci dépend totalement des sentiments que le thérapeute éprouve pour son client. Si l’aidant trouve son client répétitif et ennuyeux, s’il ressent un certain dégoût pour son aspect physique, si il éprouve de l’irritation ou ressent de la colère vis-à-vis de son client, le regard positif inconditionnel disparaît aussitôt. Bien qu’il s’agisse d’une attitude que le thérapeute centré sur la personne doit s’efforcer d’exercer, le regard positif est très lié au monde des sentiments car il repose sur des affects tels que la sollicitude, l’estime, le respect, la considération, l’intérêt sincère, la tolérance, l’acceptation, la compassion… Rogers a d’ailleurs été conduit à utiliser le terme de sentiment pour décrire cette considération : « Il s’agit d’un sentiment positif qui s’extériorise sans réserve ni jugements. Le terme que nous avons été amenés à employer à cet égard est “considération positive inconditionnelle’’», écrit Rogers (1968, p. 49, italiques par l’auteur).

Or, les sentiments ne se décident pas. Ils surgissent… ou ne surgissent pas ; mais cela ne dépend pas de ma volonté. Je ne peux pas décider volontairement d’accepter l’autre de manière inconditionnelle, sauf à manipuler mon ressenti ce qui irait complètement à l’encontre de ma cohérence intérieure. Il serait incongruent en effet, au nom du regard positif inconditionnel, d’adopter une considération positive vis-à-vis de quelqu’un qui envahit mon espace vital ou abuse de ma gentillesse car il s’agirait sans doute d’une négation de ma propre colère, celle-là même qui permet de mettre des limites afin de protéger mon intégrité ou mon intimité. En peu de mots, ce serait une négation de mes propres sentiments ou une trahison de moi-même.

Lorsque je reçois un client pour la première fois, je ne ressens pas naturellement de l’acceptation positive inconditionnelle. Toutes mes bonnes intentions ou mes convictions théoriques ne changent rien à l’affaire. Si je ne sens pas d’acceptation positive, je ne peux guère la forcer, car ce qui est présent en moi, c’est autre chose : de la curiosité, de la perplexité, de la crainte, l’anxiété de ne pas savoir comment gérer l’entretien, du plaisir à la conversation… Il y a certes des clients que je peux trouver plus ou moins sympathiques au premier abord, mais cela n’a rien à voir avec le regard positif inconditionnel. Bien au contraire. La sympathie est à l’opposé de la considération positive inconditionnelle puisqu’elle peut soudainement se changer en antipathie. Dans la sympathie, l’autre me plaît jusqu’à ce qu’il me déplaise. Si j’ai une évaluation positive sur quelqu’un, cela signifie que je peux en avoir une négative et par conséquent le principe d’inconditionnalité n’est pas présent.

Or, la seule manière de modifier les sentiments, c’est de modifier la circonstance qui les génère. Par exemple, si je suis triste parce que mon partenaire s’en est allé, une manière de supprimer la tristesse liée à la perte, c’est que l’autre revienne ; une autre manière est de permettre au temps de faire son œuvre c’est-à-dire d’élaborer la perte par un processus de deuil, ce qui n’est rien d’autre en fait qu’une modification de mon champ perceptuel. Si je vis un évènement qui provoque de la colère, il faut que je modifie cette situation pour que la colère disparaisse : en changeant de travail par exemple, en parlant à mon chef, en me séparant de mon conjoint… ou en changeant ma perception de la situation. Magie de la synchronicité : en écrivant ces lignes, je reçois un appel téléphonique d’un jeune ancien client mexicain qui voyage en France. Il a économisé durant des années, peso par peso, pour réaliser un rêve de toujours, celui de voir la tour Eiffel, et il en profite pour voyager en Europe. Il me dit, avec la candeur de ses vingt ans, et d’une voix triste :

– Je suis à Berlin… Mais je ne me sens pas bien ; je n’aime pas cet endroit… j’ai envie de pleurer.
– Et où aimerais-tu être ?
– En France.
– Et tu fais quoi alors à Berlin ?
– Tout le monde me dit que je dois profiter de ce voyage pour voir d’autres pays européens.
– Dans quel endroit tu te sentirais bien et heureux ?
– J’aimerais voir demain l’arrivée du Tour de France sur les Champs-Elysées.
– Têtu, je lui redemande : Tu fais quoi à Berlin ?
– Bon allez, adios, adios, je vais faire mon sac et je file à la gare pour prendre le premier train pour Paris !

Prenant conscience de son expérience (awareness), Alejandro a soudain saisi, que pour supprimer ce sentiment de mal-être et de tristesse, il lui fallait agir et modifier sa circonstance. Essayer d’être bien à Berlin ne servait à rien, puisque son besoin profond était d’être à Paris. « Je suis moi et ma circonstance », écrivait Jose Ortega y Gasset. Ce qui n’est pas sans nous rappeler l’un des principes de la philosophie existentielle de Sartre qui veut que l’homme se définisse par ses actes, qu’il se réalise à travers ses actions : le sujet n’est rien d’autre que sa situation.

Revenant à notre thème, il faudrait donc pouvoir organiser lors de la consultation une circonstance qui permette que naissent des sentiments positifs à l’égard du client. Mais voilà, ce sentiment de positivité est très lié à l’absence de jugement. Or, le jugement, on le sait bien, est tellement présent en nous ! On juge son voisin, le temps qu’il fait, les embouteillages… et autrui. Et si l’on ne juge pas, on évalue.

Sommes-nous condamnés à juger ?

D’une part, notre cerveau reptilien fonctionne de manière dualiste : oui/non, plaisir/non plaisir. Nous sommes donc constamment en train de scanner les situations pour vérifier si elles apportent ou non du plaisir, prêt à émettre un jugement négatif ou positif.

D’autre part, et cette fois de manière acquise au cours de l’éducation, nous sommes totalement conditionnés pour évaluer. Nous avons été éduqués à coup d’évaluations externes et de jugements. Bien, mal, bien, mal… L’enfant apprend rapidement à s’évaluer en ces mêmes termes en introjectant le système d’évaluation propre à sa culture. Adulte, il maintient le même schéma qu’il applique à lui-même et bien entendu aux générations suivantes. Ce modèle est tellement ancré dans le paradigme actuel que le système éducatif basé sur les notes et les examens n’est jamais remis en cause, alors même qu’il est à l’origine de l’immense névrose collective du monde moderne. Nous n’avons même plus conscience que le regard que nous portons sur nous-mêmes est un regard constamment évaluant, tellement intégré en nous qu’il en parait normal. Nos introjects, nos valeurs et nos croyances constituent le paramètre à l’aune duquel nous jugeons tous nos actes, en termes généralement manichéens. Si je suis dans la norme, c’est bien ; en dehors de la norme, c’est mal. Mais alors, si je m’évalue de cette manière, comment ne vais-je pas être dans un jugement permanent vis-à-vis d’autrui ?

Rogers avait bien pris la mesure de ce phénomène lorsqu’il écrit :

« D’après mon expérience, les jugements ne favorisent pas le développement de la personnalité et par conséquent je ne crois pas qu’ils fassent partie d’une relation d’aide. C’est assez curieux, mais un jugement positif est aussi menaçant en fin de compte qu’un jugement péjoratif, puisque dire à quelqu’un qu’il agit bien suppose que vous avez aussi le droit de lui dire qu’il agit mal. Aussi, j’en suis venu à penser que plus je peux maintenir une relation sans jugement de valeur, plus cela permettra à l’autre personne d’atteindre le point où elle reconnaitra que le lieu de jugement, le centre de la responsabilité réside en elle-même. Le sens et la valeur de son expérience dépendent uniquement d’elle et aucun jugement extérieur ne peut rien changer à cela. Aussi, j’aimerais m’efforcer d’arriver à une relation où je ne juge pas à autrui  en mon for intérieur. » (1968, p. 43)

Le regard positif inconditionnel du thérapeute permet au client d’internaliser ce même type de regard non jugeant vis-à-vis de lui-même, et qu’il devienne son propre centre d’évaluation interne. En d’autres termes, le client apprend à vivre au cœur de sa propre subjectivité.

Non seulement nous sommes conditionnés à évaluer, mais s’ajoutent de surcroît les jugements que l’on émet à partir de nos projections et de nos interprétations. Les projections sont le fruit des parties du moi que l’on considère comme inacceptables et qui sont donc niées : sentiments, traits de caractère, imperfections, souillures… Ce sont des parties de moi que je ne veux surtout pas montrer au monde parce qu’elles me font honte. Lorsque ces aspects sont rejetés, ils sont projetés à l’extérieur et on perçoit alors le monde à travers ce filtre. Or, si je refuse ces parties aliénées de moi, c’est bien qu’elles sont inacceptables, et c’est ce qui me conduit tout naturellement à les condamner chez l’autre. Là est le jugement, sans doute le plus difficile à éradiquer car cela implique, pour accepter autrui, une acceptation préalable de mes propres parties aliénées et projetées à l’extérieur.

On voit bien là que l’acceptation d’autrui passe obligatoirement par une acceptation de soi. Comment se déroule ce processus ? Le regard, celui qui habituellement condamne et juge, accepte de se tourner vers l’intérieur de soi et pose la question : « Et moi ? Que se passe-t-il en moi face à cette personne que je condamne si facilement ? La radinerie de l’autre me dérange ; mais où est donc mon manque de générosité dans ma vie ? Les maniaqueries de l’autre me sont ridicules ; mais où se niche ma propre obsession ? J’aimerais balayer d’un revers de la main le besoin compulsif de contrôle de ce client ; mais moi, suis-je capable de regarder en face ma propre angoisse face à l’incertitude de la séance de thérapie ?

À ce sujet, il est intéressant de mentionner la “théorie paradoxale du changement” (Beisser, 1970) car celle-ci peut nous aider à comprendre le processus de changement à l’œuvre dans l’Approche centrée sur la personne. Cette théorie nous indique que le changement ne vient pas d’un effort de la volonté ou de la conscience réflexive (consciousness) mais bien d’une acceptation organismique ou expérientielle des parties aliénées du moi. Plus je cherche à changer un trait de caractère qui m’insupporte, plus il se renforce. Le paradoxe, c’est lorsque je peux vraiment l’accepter comme une partie de moi et l’intégrer à l’image que j’ai de moi, cet aspect perd de sa force et cesse de m’embêter. C’est alors que la conduite change d’elle-même, sans effort. (7)

Un autre obstacle à la considération positive inconditionnelle, c’est la peur. Les peurs, devrais-je dire. Car elles sont nombreuses, nos craintes, qu’il s’agisse de la peur du rejet ou de l’abandon, la peur d’être blessé ou humilié, la peur de la différence, la peur d’être affecté par l’autre, finalement la peur de changer. Face à cette peur de l’autre, il faut alors se protéger, et l’armure que j’endosse est bien souvent faite de jugements. On a très vite compris, enfant, que la meilleure défense était l’attaque et je préfère condamner à l’avance plutôt que de risquer d’être bousculé par la différence. La rencontre a toujours un impact, et c’est d’ailleurs la clé du changement. Une bonne manière de m’assurer de ne pas bouger, c’est d’installer un bouclier défensif, ce qui me permet de conforter mes certitudes au sujet de mon identité… cette « chère » identité à laquelle nous sommes tant attachés au risque de la figer et de la rigidifier.

Dans un tel contexte, le regard positif inconditionnel est tout simplement impossible puisque le regard est empreint d’évaluations basées sur un cadre de référence extérieur au client. Ce dernier n’est pas regardé dans sa subjectivité, mais comme un objet d’observation.

Les trois conditions en dialectique

Comment alors parvenir à éprouver, sans forcer, un regard positif inconditionnel pour l’autre ? Il me semble qu’une des manières à laquelle nous invite l’Approche centrée sur la personne, c’est de faire reposer mon regard positif inconditionnel sur l’empathie. Rogers associe d’ailleurs empathie et regard positif lorsqu’il se demande s’il peut arriver à « pénétrer dans l’univers intérieur du client assez complètement pour perdre tout désir de l’évaluer ou de le juger » (1968, p. 42).

C’est en effet à travers la compréhension de la personne que je peux sentir naître en moi une acceptation de l’autre tel qu’il est. La considération positive inconditionnelle devient naturelle lorsque je comprends profondément le vécu de la personne, ses ressorts secrets, ses souffrances et les blessures qui sont à l’origine de ses conduites défensives ou destructrices. Plus je comprends mon client, plus je ressens un intérêt positif et authentique pour lui, et aussi de l’affection ; et mon estime est de moins en moins conditionnée. Ces sentiments surgissent naturellement de la rencontre et du dialogue.

C’est bien un sentiment de respect inconditionnel qui naît en moi, un sentiment de fraternité ou de compassion, c’est-à-dire la reconnaissance de ma propre humanité en l’autre. Toute idée d’évaluation disparaît alors. Il m’est désormais impossible de juger l’autre car je ressens avec lui les mêmes sentiments, je reconnais en lui des souffrances identiques aux miennes, des blessures similaires car comme Montaigne l’a écrit dans la préface des Essais, « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition ». Ce qui nous rappelle l’idée très rogerienne que le plus intime est aussi le plus universel.

L’empathie est donc fondamentale pour nourrir la considération positive inconditionnelle. Mais la congruence ne l’est pas moins. Car si en écoutant un client émerge en moi une ombre, un sentiment négatif ou un jugement, alors ma tâche est de revenir vers moi pour observer, dans un souci de congruence, ce qui a été réveillé en mon intérieur. Il importe de vérifier ce que signifie ma réaction émotionnelle, même si elle paraît légère ou insignifiante, afin d’éviter qu’elle ne se transforme en interprétation projective ou de manière plus subtile encore, en une résistance à l’écoute. Combien de fois mon écoute se dirige-t-elle vers ce que j’ai envie d’entendre ? Combien de fois je n’entends littéralement pas ce que je ne veux pas écouter ? L’écoute devient alors sélective, elle censure ce qui vient me déranger dans mes certitudes, et c’est le signal d’un manque de congruence. Il faut alors revenir à l’empathie – et il s’agit bien d’un effort – afin de m’approcher à nouveau du monde de l’autre pour permettre que retentissent en moi les contenus du client.

Lorsque le mental lâche ses repères, c’est l’organisme dans son ensemble qui se met à fonctionner, j’allais dire à résonner comme une peau de tambour qui vibre ou une corde de piano qui fait écho lorsqu’on joue la même note sur une octave supérieure ou inférieure. À l’inverse du mental qui catégorise, classifie, pose des étiquettes et établit des jugements de valeur, le corps, lui, ne juge pas. L’organisme, sur un mode de réceptivité, se contente d’être en résonnance. Cela n’est pas sans nous rappeler le concept de corporéité de Merleau-Ponty (1945), et plus tard celui d’intercorporalité développé par C. Deschamps comme un processus de reconnaissance occulte de l’autre qui s’effectue via les corps. « L’intersubjectivité doit d’abord être, selon Merleau-Ponty, une intercorporéité », écrivent les auteurs de Entre le corps et l’esprit (Feltz et Lambert, 1994, p. 50). Or, l’intersubjectivité, c’est justement la rencontre de deux mondes, et celle-ci ne peut avoir lieu sans empathie ni regard positif.

Le regard positif inconditionnel est d’abord une intention de la part thérapeute. Celle-ci s’exprime ensuite à travers une attitude. Mais le maintien de cette attitude dépend de la rencontre, de cette rencontre dont parle Buber, entre deux sujets, un « je » et un « tu » qui se reconnaissent dans leur humanité (8). Car c’est bien à travers le dialogue que je peux comprendre l’autre, l’accepter dans sa différence. Or, lorsque je pénètre dans la subjectivité de l’autre, lorsque je lâche mes propres codes et que j’adopte le cadre de référence de l’autre, le jugement n’a plus aucun sens ; et alors un espace s’ouvre pour qu’émergent l’ouverture et l’acceptation dont parle Rogers. C’est la reconnaissance de l’autre dans son droit à exister dans le monde, et de la manière qu’il le souhaite.

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REFERENCES

  • Beisser Arnold (1970): Paradoxical Theory of change, in Fagan and Shepherd’s Gestalt Therapy Now, Harper Colophon Book.
  • Feltz B. et Lambert D. (1994). Entre le corps et l’esprit, approche interdisciplinaire du Mind-Body problem. Liège. Pierre Mardaga.
  • Merleau-Ponty (1945). Phénoménologie de la perception. Paris. Gallimard.
  • Ortega y Gasset, J. (2004). Meditaciones del Quijote (1914), dans Obras completas, Vol. I. Ed. Taurus/Fundación José Ortega y Gasset, Madrid, p. 757.
  • Rogers, C. R. (1968). Le développement de la personne. Paris. Dunod-Interéditions.
  • Rogers, C. R. (1979). Una manifeste personnaliste. Paris. Dunod.
  • Rogers, C. R. (1987). El camino del ser, Barcelona. Kairós. (En anglais : A way of being. Boston. Houghton Mifflin. 1980).
  • Rogers, C. R. (2001). L’approche centrée sur la personne. Anthologie de textes. Lausanne. Randin.

NOTES

(1) Rappelons pour le lecteur non familiarisé avec la Thérapie centrée sur le client que les « trois conditions nécessaires et suffisantes » pour créer un climat psychologique facilitant le processus de croissance sont : la congruence ou authenticité de l’aidant, le regard positif inconditionnel et l’empathie. Si la condition du regard positif est la moins évoquée dans la littérature spécialisée, c’est sans doute parce qu’il paraît naturel et logique que la personne qui souhaite aider son prochain dispose d’une certaine considération positive pour l’humain. Il serait absurde d’imaginer qu’un aidant puisse avoir des intentions négatives ou un regard indifférent. Pour le sens commun, c’est la moindre des choses qu’un psychothérapeute, quelle que soit d’ailleurs son approche, ressente un intérêt positif vis-à-vis de ses clients. Nous verrons cependant dans cet article que le concept de regard positif inconditionnel prend un relief particulier dans le cadre de l’Approche Centrée sur la Personne.

(2) Voir par exemple les livres de Robert Carkkuff et de Gerard Egan :
– Carkkuf (1988): L’art d’aider, Montréal, Ed. de l’Homme.
– Carkkuf (1969): Helping and Human Relations. Volume I. Selection and Training, Holt, Rinehart & Winston, N.Y.
– Carkkuf, avec Truax, C. (1967): Toward Effective Counseling and Psychotherapy. Aldine, Chicago.
– Egan G. (1975): The skilled helper, a model for systematic helping and interpersonal relating, ed. Brooks/Cole Publishing Company, Monterey, California, USA. Publié en espagnol sous le titre : « El orientador experto ».
– Citons aussi le volume II (La pratique) de Kinget et Rogers : Psychothérapie et relations humaines (Publications Universitaires, Louvain, 4ème ed. 1969), en particulier les chapitres II, III et IV consacrés à la mise en œuvre des attitudes rogériennes. À ce sujet, il est intéressant de noter que parmi toutes ces tentatives d’instrumentalisation de ces attitudes, c’est l’empathie qui a été la plus « technicisée », grâce notamment au type d’interventions que l’on connaît sous les noms de réponse-reflet, reformulation, reflet des sentiments, réitération, élucidation, paraphrase, etc… Mais quelles sont les interventions, lors d’une séance de thérapie, qui expriment le regard positif inconditionnel ou la congruence ?

(3) Les termes de « regard positif inconditionnel » ou « regard inconditionnellement positif » sont les deux traductions désormais admises en langue française pour unconditional positive regard. On a cependant longtemps utilisé l’expression « considération positive inconditionnelle » qui selon moi était une traduction plus juste. En effet, le terme regard en anglais signifie le plus couramment « considération », « estime », « respect », voire « sentiment », comme dans les expressions « best regards » ou « kind regards » à la fin d’un courrier.

(4) Le temps kairos s’oppose au temps chronos qui est celui que nous appréhendons généralement, le temps linéaire, le temps qui passe et qui nous donne une vision chronologique des phénomènes. Le temps kairos est le temps de l’occasion opportune, le moment propice. «C’est un temps agi, le temps de l’opportunité à saisir, ce point où l’action humaine vient rencontrer un processus naturel qui se développe au rythme de sa durée propre. L’artisan, pour intervenir avec son outil, doit apprécier et attendre le moment où la situation est mûre, savoir se soumettre entièrement à l’occasion. Jamais il ne doit quitter sa tâche, dit Platon, sous peine de laisser passer le kairos, et de voir l’œuvre gâchée. » (Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Maspero, 1965, t. II p. 59).
Je reprends ici le terme kairos pour définir le temps de l’instant, le temps du moment vécu dans sa profondeur. Alors que chronos est horizontal, kairos est vertical. Le temps ne s’arrête pas, et pourtant ce moment peut durer une éternité. C’est le temps de l’ici et maintenant qui se vit lorsque nous sommes vraiment et complètement présents dans la situation. On comprend qu’alors, le jugement n’a pas de prise : le phénomène est accepté dans son immédiateté, sans référence au passé ou au futur, donc sans point de comparaison. Dans ce contexte, l’esprit, plus que non jugeant, est littéralement « a-jugeant ».

(5) D’après mon expérience de formateur et superviseur, il me semble en effet que le problème ne vient pas tant du contenu lui même de la narration mais plutôt de la méta-communication, c’est à dire tout ce qui entoure le message du client. En commençant par son physique. Cela n’est pas très courant, mais il peut arriver que le thérapeute ressente du dégoût pour un aspect corporel de son client, un handicap, une mauvaise odeur ou le timbre de voix, suraigu par exemple. Ensuite, la conduite du client. Je pense par exemple aux retards systématiques ou à des oublis répétés du paiement de la consultation. Il peut s’agir aussi d’une attitude irrespectueuse, violente ou arrogante vis-à-vis du thérapeute. Et puis il y a aussi la rhétorique du client, c’est à dire sa manière de s’exprimer. Cela peut être un tic verbal irritant ou un style particulier (par exemple un ton de victime ou un ton constamment critique et menaçant), une manière de tourner en rond, de parler pour ne rien dire, de s’exprimer sur un mode froid et distant, etc. Et enfin, comme nous l’avons vu, il y a les valeurs du client et ses positions idéologiques qui peuvent choquer contre celles du thérapeute. Prenons le cas d’un client tenant des propos antisémites alors que son thérapeute est juif ; ou d’un client critiquant l’IVG alors que sa thérapeute vient d’avorter. Tous ces évènements sont susceptibles de provoquer des réactions émotionnelles chez l’aidant, différentes pour chacun bien entendu, mais qui dans certains cas peuvent parasiter le regard positif inconditionnel, au moins durant un temps.

(6) Je me réfère ici à la phénoménologie en tant que méthode d’observation, en opposition à la méthode scientifique traditionnelle fondée sur une approche analytique, rationaliste et positiviste. L’observation phénoménologique, initialement développée par Husserl, consiste à observer le phénomène tel qu’il est, sans idée préconçue ni préjugé, dans le respect de sa complexité et de son unicité, sans intention réductrice ni généralisatrice, finalement dans le respect de la subjectivité du phénomène observé et de sa relation avec l’observateur.

(7) Max Pages, s’appuyant sur les théories de la cybernétique, développe un concept assez similaire à la théorie paradoxale du changement : c’est la loi d’inversion du mouvement. André de Peretti signalera par la suite cette idée, qui mériterait cependant d’être développée plus longuement. Voir M. Pages (1965) : L’orientation non-directive en psychothérapie et en psychologie sociale, Paris, Dunod (p. 69). Et A. de Peretti : Pensée et vérité de Carl Rogers. Paris. Privat (p. 246).

(8) À partir de sa rencontre avec Martin Buber en 1957, Rogers met de plus en plus l’action sur la relation interpersonnelle et le caractère subjectif de la rencontre entre thérapeute et client. Le concept de la relation je-tu, au centre de la philosophie de Buber, est souvent repris par les psychothérapies humanistes-existentielles (dont l’Approche Centrée sur la Personne) pour décrire le type de relation idéale qui est recherchée par les thérapeutes du courant humaniste.

L’auteur:

Clément-Xavier Haudiquet

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